Présentation de la journée et appel à communications
Alors que la diversité renvoie à une (meilleure) représentation numérique des groupes minoritaires, l’inclusion vise à valoriser les différences au bénéfice de l’organisation et des individus qui la composent. Depuis une quinzaine d’années désormais, l’inclusion est venue s’ajouter aux pratiques de la diversité, en apportant une vision plus intégrative de toutes les formes de diversité. L’inclusion modifie en profondeur les modes de fonctionnement, afin que chaque individu puisse s’intégrer sans effort et travailler dans de meilleures conditions (Moon, 2018).
L’inclusion représente, pour diverses raisons, un enjeu majeur des organisations (Cassel et al., 2022). Bien qu’il n’existe pas de définition universelle de l’inclusion (Chung et al. 2020), il est toutefois de plus en plus fréquemment fait référence au management de l’inclusion pour désigner l’ensemble des processus et stratégies managériales dont le but est non seulement d’améliorer la présence et le sort de personnes appartenant à des minorités mais aussi de rendre l’organisation plus efficace en exploitant au mieux ces différences (Oswick & Noon, 2014). En même temps, l’inclusion semble devoir s’émanciper d’une approche spécifique aux minorités pour se concentrer sur des activités favorisant des intérêts communs non minoritaires (Fujimoto et al., 2014). En ce sens, l’inclusion viserait à permettre que chacun puisse se percevoir comme membre d’un groupe au sein duquel ses « besoins d’appartenance et de singularité sont simultanément satisfaits » (Shore et al., 2018).
Les recherches sur le management inclusif demeurent particulièrement peu nombreuses (Sparkman, 2019 ; Boubakary & Peretti, 2023), notamment en termes de résultats réels issus des pratiques en matière d’inclusion. De plus, les rares études qui existent émanent le plus souvent de pays anglo-saxons, guidés par une approche par communautés. Or en France, depuis la Révolution française, les responsables politiques ont toujours défendu une conception universelle de la citoyenneté, sans jamais faire référence à des différences de quelque nature que ce soit. En quelque sorte, l’égalité républicaine reconnait la diversité mais par abstraction de toutes les différences (Renaut, 2009). Par conséquent, il est risqué pour les entreprises en France de s’engager sur un terrain politiquement controversé. Dans ces conditions, à quoi peut ressembler un modèle de management inclusif « à la française » ?
Sur la base de cette présentation du sujet et au-delà de la question de la spécificité d’un management de l’inclusion « à la française », les soumissions pourront aborder les sujets suivants, sans que cette liste ne soit exhaustive :
Passer du management de la diversité à l’inclusion.
Une certaine confusion demeure entre management de la diversité et inclusion (Murphy, 2018). Alors que le management de la diversité se focalise, selon une perspective légaliste, sur les différentes démographies qui font l’objet de discriminations, il pourra s’agir d’interroger comment les approches inclusives peuvent-elles permettre, selon un impératif business, la pleine contribution des employés.
La mesure au service de l’inclusion.
Qu’elle soit un préalable à l’action ou un moyen de juger de l’efficacité des dispositifs mis en place, la mesure de l’inclusion est d’actualité. Bien qu’elle continue de faire débat en France malgré les clarifications notamment du Défenseur des droits (avis n°18-20 sur l’article 61 du projet de loi PACTE relative à la croissance et la transformation des entreprises), comment s’inspirer des expériences internationales de mesure de l’inclusion dans le domaine professionnel (Chung et al., 2020 ; Rezai et al. 2020) et à quelles fins ?
Le management inclusif, une valorisation de toutes les formes de diversité ?
Malgré l’incroyable variété parmi les dimensions de la diversité, les études récentes continuent de se focaliser très largement sur le genre et dans une moindre mesure sur le handicap (Garg et al., 2021). Quelles autres singularités devraient-elles faire l’objet d’une attention de la recherche en matière d’inclusion ? Ou bien faudrait-il au contraire viser l’appartenance au groupe, quelle que soit les minorités en jeu ?
Quelles compétences critiques pour un leadership inclusif ?
Des modèles émergent pour caractériser les compétences managériales qui favorisent les approches inclusives, en s’appuyant sur les ressorts de l’inclusion par opposition à ceux de l’exclusion (Bernstein et al., 2020 ; Shore & Chung, 2023). Bien que ces modèles soient prometteurs, quels autres ressorts que ceux de l’identité sociale (Tajfel & Turner, 1986) pourraient alimenter cette réflexion ?
Quel rôle pour l’équipe dirigeante dans le management inclusif et pour quels bénéfices ?
Le soutien du sommet de la hiérarchie aux politiques d’inclusion, qu’il s’agisse de partager une vision ou de s’impliquer au quotidien dans les actions, apparait comme déterminant de la réussite de telles politiques (Moore et al., 2010). Il s’agirait notamment de pouvoir étayer plus précisément le lien établi entre les formes de soutien aux politiques d’inclusion et l’efficacité de ces politiques.
Sensibiliser au management inclusif.
L’ouverture croissante de l’enseignement supérieur à des catégories d’étudiants qui étaient habituellement marginalisés amène à adapter les environnements d’apprentissage, de sorte que chaque apprenant soit préparé pour une réussite optimale (Araujo et al., 2022). Comment les entreprises et organisations professionnelles peuvent-elles s’inspirer de ces pratiques ? Au-delà des formations qui adressent les biais humains notamment en matière de recrutement, quelles autres initiatives pour éduquer les salariés à l’inclusion ?
Le management inclusif au service d’une performance durable ?
Parmi les différentes raisons qui incitent les organisations à mettre en œuvre des politiques d’inclusion, la performance constitue de loin la motivation la plus importante, alors même que la corrélation entre inclusion et performance est loin d’être clairement établie (Roberson et al., 2017). La notion de performance étant de surcroit polysémique, il est désormais fréquemment mis en avant que la mise en œuvre d’une politique d’inclusion en entreprise a « un impact transformationnel considérable sur la performance au travail et, par ricochet, sur la performance durable de l’entreprise » (Bruna, Frimousse et Giraud, 2017). Le concept de performance durable définie comme la « combinaison des performances économique, sociale et environnementale qui conduit à la survie à long terme d’une organisation » (Leignel et al., 2019) reflète-t-il de manière exhaustive les motivations à déployer des politiques d’inclusion ? Quelle place pour la justice sociale parmi ces motivations ?
Le rôle des pouvoirs publics pour un management inclusif.
Au-delà de l’égalité de traitement entre toutes et tous, les pouvoirs publics portent également des objectifs forts d’inclusion (créer des environnements inclusifs, mesurer les avancées et partager les bonnes pratiques pour faire évoluer l’environnement professionnel…). Ces objectifs d’inclusion s’imposent aux administrations, qui se doivent d’être exemplaires. Cependant, ces objectifs plus ou moins volontaristes sont sous-tendus par des conceptions variées de l’inclusion selon les gouvernements et les régimes politiques qui les promeuvent (de Jung, 2021). Il s’agira de s’interroger sur la capacité des pouvoirs publics à inspirer, réguler ou encore copier les pratiques des entreprises en matière d’inclusion.
Le rôle de l’entreprenariat dans le management inclusif.
Face aux discriminations constatées dans le monde du travail, l’entrepreneuriat est souvent décrit par les populations qui en sont victimes comme une alternative forcée à l’insertion dans un emploi salarié. Pour autant, les expériences et pratiques des entrepreneurs constituent souvent des exemples de pratiques inclusives dont les organisations peuvent s’emparer (Csanyi-Virag et al., 2021). L’entrepreneuriat peut-il être la cause et la solution à l’inclusion ?
Ces différentes thématiques ne sont pas limitatives et cet appel à communications se veut ouvert à toutes contributions, empiriques, théoriques et méthodologiques, appréhendant le management inclusif dans les organisations.
En lien avec cette journée d’études, il est envisagé la publication d’un numéro spécial par une revue classée. Les rédacteurs invités de ce numéro seront présents à cette journée et présenteront le projet et pourront échanger avec les contributeurs potentiels.
En complément des communications, cette journée sera également l’occasion de tables rondes au cours desquelles experts et représentants du monde socio-économique échangeront sur leurs visions et leurs pratiques du management inclusif « à la française » (thèmes et intervenants à préciser).
Références
Araujo Dawson, B., Kilgore, W., & Rawcliffe, R. M. (2022). Strategies for creating inclusive learning environments through a social justice lens. Journal of Educational Research and Practice, 12, 2.
Bernstein, R. S., Bulger, M., Salipante, P., & Weisinger, J. Y. (2020). From diversity to inclusion to equity: A theory of generative interactions. Journal of Business Ethics, 167, 395-410.
Boubakary, B., & Peretti, J. M. (2023). Management inclusif et performance durable de l’entreprise : une revue systématique de littérature. Revue Management & Innovation, (3), 55-75.
Bruna, M.G., Frimousse, S. & Giraud, L. (2017). Comment apprécier l’impact transformationnel d’une politique de diversité en entreprise ? Contribution liminaire à un agenda de recherche. Management & Avenir, 96(6), 39-71.
Csanyi-Virag, V. & Polge, M. (2021). L’entrepreneuriat peut-il être inclusif en situation de handicap ? Contribution de la théorie des capacités dynamiques. Management & Sciences Sociales, 30, 179-206.
Cassell, C., Watson, K., Ford, J., & Kele, J. (2022). Understanding inclusion in the retail industry: incorporating the majority perspective. Personnel Review, 51(1), 230-250.
Chung, B. G., Ehrhart, K. H., Shore, L. M., Randel, A. E., Dean, M. A., & Kedharnath, U. (2020). Work group inclusion: Test of a scale and model. Group & Organization Management, 45(1), 75-102.
Fujimoto, Y., Rentschler, R., Le, H., Edwards, D., & Härtel, C. E. (2014). Lessons learned from community organizations: Inclusion of people with disabilities and others. British Journal of Management, 25(3), 518-537.
De Jong, M. (2021). Inclusive capitalism: The emergence of a new purpose paradigm in economics and business administration and its implications for public policy. Global Public Policy and Governance, 1(2), 159-174.
Garg, S., & Sangwan, S. (2021). Literature review on diversity and inclusion at workplace, 2010–2017. Vision, 25(1), 12-22.
Leignel, J. L., Ménager, E., & Yablonsky, S. (2019). Performance durable de l’entreprise: Piliers, évaluation, leviers. ISTE Group.
Moon, K. K. (2018). Examining the relationships between diversity and work behaviors in US federal agencies: Does inclusive management make a difference?. Review of Public Personnel Administration, 38(2), 218-247.
Moore, M. E., Konrad, A. M., & Hunt, J. (2010). Creating a vision boosts the impact of top management support on the employment of managers with disabilities: The case of sport organizations in the USA. Equality, Diversity and Inclusion: An International Journal, 29(6), 609-626.
Murphy, W. (2018). Distinguishing diversity from inclusion in the workplace: Legal necessity or common sense conclusion. Journal of Business Diversity, 18(4), 65-83.
Oswick, C., & Noon, M. (2014). Discourses of diversity, equality and inclusion: trenchant formulations or transient fashions?. British Journal of Management, 25(1), 23-39.
Renaut, A. (2009). Un humanisme de la diversité, Essai sur la délocalisation des identités, Bibliothèques des savoirs, Flammarion.
Rezai, M., Kolne, K., Bui, S. et al. Measures of Workplace Inclusion: A Systematic Review Using the COSMIN Methodology. Journal of Occupational Rehabilation, 30, 420–454 (2020).
Roberson, Q., Ryan, A. M., & Ragins, B. R. (2017). The evolution and future of diversity at work. Journal of Applied Psychology, 102(3), 483–499.
Sparkman, T. E. (2019). Exploring the boundaries of diversity and inclusion in human resource development. Human Resource Development Review, 18(2), 173-195.
Shore, L. M., Cleveland, J. N., & Sanchez, D. (2018). Inclusive workplaces: A review and model. Human Resource Management Review, 28(2), 176-189.
Shore, L. M., & Chung, B. G. (2023). Enhancing leader inclusion while preventing social exclusion in the work group. Human Resource Management Review, 33(1), 100902.
Tajfel, H., & Turner, J. C. (1986). The social identity theory of intergroup behavior. In S. Worchel & W. G. Austin (Eds.), Psychology of intergroup relations (pp. 7-24). Chicago: Nelson Hall.
CALENDRIER
24 mars 2024 : Date limite de dépôtdes propositions de communication sous la forme d’un résumé dans lesquelles seront précisées la problématique, la méthodologie et les résultats attendus.
15 avril 2024 : notification aux auteurs (acceptation pour présentation lors de la journée du 30 avril ou rejet de la communication).
26 avril 2024 : Date limite des inscriptions pour la journée.
30 avril 2024 : Date de la journée d’étude, en présentiel dans les locaux d'Ascencia La Défense.
PROPOSITIONS DE COMMUNICATION
A l’issue de cette journée, les auteurs qui le souhaitent, pourront soumettre, sur la base de leur communication, un article pour un numéro thématique de la revue « Relations Industrielles » intitulé: ‘ Regards croisés des deux côtés de l’Atlantique sur le management de l’inclusion’.
Le calendrier et les normes à respecter seront indiquées très prochainement.
Le comité éditorial invité est composé de :
Prof. Maria-Giuseppina Bruna (correspondante), Professeure Titulaire HDR en Management & RSE à l’IPAG Business School, Paris ;
Prof. Olivier Meier, Professeur HDR à l’Université Paris Est, Paris Dauphine et Sciences Po Paris ;
Prof. Sophie Brière, Professeure titulaire au Département de management de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval (Québec) ;
Dr. Christian Makaya, enseignant-chercheur à Ascencia Business School, Paris ;
M. Loïc Fourot, enseignant permanent à Ascencia Business School, Paris.
Chaque proposition de communication est à effectuer sous la forme d’un résumé de 2 à 3 pages au maximum, rédigé en français ou en anglais, dans lequel sera précisé la problématique, la méthodologie, les résultats attendus et les références bibliographiques essentielles ;
Le document doit être en version PDF avec la mention du nom et de la qualité de l’auteur-e ;
La communication est à déposer exclusivement via le site SciencesConf, disponible dès à présent.
* Le dépôt se fait en se connectant sur le site (bouton « connexion » en haut à droite de la page) puis en accédant aux étapes de dépôt via le menu « espace connecté » du site. Attention, vous devez vous authentifier en premier lieu en utilisant vos identifiants sur SciencesConf ou sur HAL.